LES « ANCETRES »

Publié le par stephan

Fougères

Il y a mille ans, le seigneur de Fougères s’appelait Frangall. C’était un descendant des Vikings, qui avait juré allégeance au comte de Blois. C’était un homme très grand, très fort et très méchant, qui aimait passer son temps à faire la guerre, tuer des ennemis en les fendant en deux ou en leur coupant la tête. Quand il n’était pas à la guerre, il partait chasser dans les forêts profondes de Sologne pour chasser, et tuer le plus d’animaux possibles. On disait que son épée ne séchait jamais tant il s’en servait souvent !
Frangall était marié à la plus douce et à la plus gentille jeune dame que l’on puisse imaginer : Marie. Elle était aussi douce que lui était méchant et sanguinaire ! Mais à l’époque, on mariait les jeunes filles nobles sans leur demander leur avis… Frangall était jaloux et n’aimait pas que son épouse reçoive trop de visiteurs au château pendant ses longues absences. Et les distractions se faisaient rares, une fois les ordres donnés aux domestiques ; à part la tapisserie, la broderie, la musique et les promenades, Marie s’ennuyait. Frangall lui avait même interdit de recevoir des visites des seigneurs voisins et les troupes de jongleurs et de troubadours. Mais elle ne pouvait les renvoyer.
Marie promettait à son époux de ne recevoir personne, mais accueillait quand même quelques artistes pour l’occuper. Parmi eux, un jeune troubadour à la jolie voix et bien de sa personne venait chanter pour Marie pendant qu’elle filait ou tissait dans la bibliothèque. Et pendant ce temps, Frangall chevauchait en tuant moult ennemis.



Un jour, Frangall eut l’idée de vérifier si son épouse lui obéissait bien… Il rentra à Fougères sans prévenir, déguisé en mendiant, en gardant sa barbe, et courbé pour éviter d’être trahi par sa haute taille. Il vint demander l’aumône et le couvert au château de Fougères. Ses domestiques lui servirent à boire et à manger, et lui proposèrent de passer la nuit au château sans le reconnaître. Sous prétexte de saluer le maître des lieux, il demanda audience à la châtelaine. Et un valet innocemment, lui répondit qu’elle se trouvait à la bibliothèque en compagnie du troubadour… Son sang ne fit qu’un tour : il se redressa, jeta ses hardes pour se montrer en tenue de chevalier. Puis il tira son épée, monta quatre à quatre les escaliers menant à la bibliothèque, trouva son épouse en train de filer, et le troubadour assis par terre, en train de jouer de la musique. Frangall coupa le troubadour en deux d’un seul coup d’épée, et Marie s’évanouit. Le seigneur appela ses gens, et fit porter Marie inconsciente, au sommet du donjon. Une fois enfermée, il garda la clé, remonta en selle et repartit à la guerre.
Evidemment, Maris mourut de faim et de soif, mais aussi de chagrin. Travaillé de remords, Frangall revint à Fougères. Trouvant sa femme morte, il la fit enterrer quelque part autour du château pour qu’on entende plus parler d’elle. Il songea à se remarier, mais aucun parti ne voulut du seigneur Frangall pour époux, car le drame s’était ébruiter dans toute la région. On murmurait même que le château de Fougères était hanté : les villageois disaient voir la nuit une forme blanche tourner au dessus du château. Il ne pouvait s’agir que du fantôme de Marie !
Des témoins racontèrent même qu’un soir, ils virent Frangall tomber du haut des remparts et en mourir. Suicide causé par les remords ? Ou bien vengeance de la Dame blanche ? Toujours est-il que la Dame blanche se promènerait toujours autour du château, suivie par une forme noire qui implore son pardon… depuis mille ans.

Dame Blanche
 
Le château de Pernstejn

La Dame blanche était de son vivant la fille de Zibrid, un des descendants d'Adalbert, fondateur du château.
Zibrid qui vivait en Pologne se décida à revenir en Moravie à Pernstejn, demeure de ses ancêtres.
Les Moraves n'aimaient guère les Polonais et encore moins les compatriotes qui avaient abandonné la Moravie pour vivre en Pologne et revenir au pays après de longues années d'absence. Ainsi donc, les troupes moraves passèrent à l'attaque du château Pernstejn, décidé a le détruire...Mais Pernstejn était une bâtisse très solide et résistait fort bien à l'assaut des guerriers moraves.
 
Après des mois interminables de résistance, Zibrid commençait à se lasser. Les assaillants moraves étaient épuisés. Zibrid tenta de mettre fin au siège du château.
Il invita alors les chefs des troupes moraves à Pernstejn et leur proposa la trêve. Les Moraves acceptèrent sans hésiter, avec enthousiasme.
Tout le monde était satisfait, sauf Zimehava, la fille de Zibrid.
 
La jeune fille avait hérité la beauté de sa mère, le courage et la force de son père. Elle avait de beaux yeux bleus, un visage fin au teint laiteux et des cheveux d'un blond cendré qui lui descendaient jusqu'aux chevilles. Elle montait admirablement bien à cheval, maniait l'épée avec une facilité surprenante et était un excellente archère. Le sang chaud de Zimehava refusait d'adopter la tactique de son père Zibrid. Elle estimait qu'il n'aurait pas dû proposer la trêve, mais lutter avec ferveur, même au risque de leurs propres vies.
 
Zibrid et les chefs des troupes moraves n'étaient pas encore sortis de la grande salle de réunion, alors que la jeune fille montait déjà aux remparts, armée de son arc. Zimehava tirait dans les rangs ennemis, ne manquant jamais la cible visée. Les gardes avertirent Zibrid de la situation. Le seigneur était furieux que Zimehava voulait gâcher sa démarche diplomatique. Il monta rapidement sur les remparts, s'approcha de sa fille et lui transperça le coeur par un coup d'épée. Le corps de Zimehava s'affaissa inerte sur le sol. C'était la dernière victime de l'assaut du château Pernstejn, tuée par son propre père. Les troupes de Zibrid ainsi que les troupes ennemies participèrent à l'enterrement de Zimehava.
Après les obsèques, les troupes se séparèrent en paix.
Malheureusement, même après la mort, l'âme de Zimehava ne retrouva pas la paix. Depuis le jour fatal, l'esprit de Zimehava, fille de Zibrid, a pris la forme d'une dame blanche. Depuis, elle erre chaque nuit dans les couloirs du château Pernstejn. Ensuite, l'esprit se dirige sur les créneaux, longe les remparts, puis la silhouette disparaît dans le vide. Jusqu'à l'extinction de la famille des Pernstejn, l'expression du visage de la Dame blanche prédisait l'avenir de la famille.
Si la Dame blanche souriait, une bonne nouvelle s'annonçait.
En revanche, si son visage reflétait la tristesse, les seigneurs de Pernstejn s'attendaient à un décès en famille ou à un cataclysme. 

Dame Blanche
 
Montmorency (Québec) - 1759

Main dans la main, Mathilde et Louis marchaient au bord de la rivière Montmorency dont ils connaissaient tous les méandres. Après les durs travaux du jour, ils se rendaient parfois jusqu'en haut du grand sault, là où on voit toute l'île d'Orléans qui ressemble à un gros poisson couché au milieu du fleuve. Ils faisaient mille projets et leur coeur débordait d'amour. Mathilde refusait de décrire la robe blanche qu'elle avait cousue pour le grand jour. Louis ne la verrait que le matin des noces !


Voici qu'un matin de juillet, dans toutes les paroisses de la côte, les curés avaient réuni les familles et lancé :

- Partez ! Emmenez bêtes et provisions ! Terrez-vous au fond des bois ! Les Anglais sont là !

Seuls demeuraient sur les bords du fleuve Saint-Laurent les hommes, jeunes et vieux, qui s'étaient engagés dans les milices pour défendre leurs biens jusqu'au dernier souffle. Non, les Anglais venant de l'ouest ne franchiraient pas la rivière ! Mathilde Robin aurait bien voulu camper avec les miliciens. Elle aurait tout accepté pour être auprès de Louis ! Mais la guerre est l'affaire des hommes, elle le savait.

Réfugiée dans les bois avec sa famille, elle languissait. À chaque fois qu'arrivait un nouveau venu parmi les tentes, elle posait toujours la même question : 

Puis, un jour, un milicien arriva avec quelques Indiens et un blessé qu'il confia aux femmes.

- Les Habits rouges ont attaqué les redoutes, dit-il, hors d'haleine, et ils ont tenté de gravir les falaises et de franchir les gués. Mais nos troupes les attendaient derrière les fascines et elles ont empêché leur avance.

La bataille de Montmorency se terminait par une brillante victoire des Français. Dans le bois, tout le monde attendait des nouvelles. Quelques soldats et miliciens essoufflés et trempés vinrent rassurer leurs parents. Mathilde eut beau attendre et attendre encore, Louis ne vint pas au campement dans le bois. Alors, n'y tenant plus, elle quitta les autres sous la pluie et se dirigea en hâte vers la rivière. Elle se mit à courir sur les rochers sans se soucier des ronces qui déchiraient son mantelet et son jupon. Bientôt elle arriva au premier gué. Louis Tessier ? Non, il n'était pas là. À l'autre gué, peut-être. Mathilde, haletante, continua son chemin. Au deuxième gué, on n'avait pas vu Louis. Mathilde repartit, mais là aussi, elle fut déçu, il n'était pas au troisième gué. « Il a peut-être tenté d'aller à la ferme », se dit-elle. Elle se précipita sur le sentier qui menait aux habitations. Et cette fois encore, elle ne trouva personne. Mais elle fut saisie de crainte en voyant flamber autour d'elle des granges et des maisons. Elle comprit que les Anglais avaient incendié les fermes et les granges. Elle courut à perdre haleine vers sa maison encore intacte. Elle ouvrit la porte et appela :

- Louis ! Mais seul le silence lui répondit.

Mathilde réussit à se guider dans la noirceur. À tâtons, elle ouvrit l'armoire et repéra sa robe blanche. Elle la saisit et la serra contre elle. Puis elle se dépêcha de ressortir. Elle poursuivait sa quête en répétant le nom de l'aimé. Elle arriva enfin en amont de la grande chute ; elle vit des gens et entendit des appels.

- Mathilde ! Oh ! Mathilde !

Folle d'espoir elle alla vers les voix qui montaient dans la nuit. En la voyant, les miliciens s'écartèrent et firent silence. Il était là, son Louis : il reposait sur la rive dans ses habits familiers. Mathilde l'appela doucement, attendant qu'il se lève et qu'il accoure vers elle. Mais Louis restait couché et ne donnait aucun signe de vie. Alors, elle comprit qu'elle arrivait trop tard. Elle se jeta sur son corps en hurlant sa douleur. Au bout d'un moment, elle sécha ses larmes et s'enfuit. Guidée par le bruit grandissant de l'eau qui se précipitait vers le fleuve, elle arriva juste en haut, au bord du rocher. C'était là où tant de fois elle s'était tenue avec Louis, là où toute la rivière, d'un geste majestueux, bascule dans le vide. Mathilde enfila sa robe blanche et sans hésiter un seul instant, elle ouvrit tout grand les bras et se laissa glisser dans la chute. On ne la revit plus jamais. Encore aujourd'hui, pendant les belles soirées d'automne, juste à la fin du jour, les gens de l'île d'Orléans racontent qu'ils peuvent voir distinctement une jeune femme toute vêtue de blanc errer au pied du grand sault de Montmorency. C'est le fantôme de Mathilde Robin qui, les soirs de lune, semble chercher encore dans les bouillons de la chute le corps de son bien-aimé.

Le vent apporte parfois sa plainte jusqu'à Saint-Pierre ou Sainte-Pétronille. Alors, les gens s'arrêtent et disent : - La voilà. C'est Mathilde Robin, la dame blanche.

Ce récit est adapté d'une légende orale qui circule encore sur la côte de Beaupré. La bataille à laquelle on fait référence est celle de Montmorency, qui précéda de quelques mois celle dite des « Plaines d'Abraham » (1759) où les Anglais conquirent, après tant d'efforts, la Nouvelle-France.

Dame Blanche
 
Puivert

Autrefois, un lac s'étendait sous les murailles de Puivert. Or, une Princesse d'Aragon, qui était très vieille et malade, demanda au Seigneur de Bruyère, Maître des lieux, de terminer sa vie au château de Puivert.
Chaque soir d'été, alors que le soleil se couchait derrière les Pyrénées, un Héraut d'armes montait au Donjon pour annoncer à tous l'apparition de la Dame Blanche, qui était le nom de la vieille Princesse. Elle venait dans un palanquin d'or, porté par quatre Sarrasins esclaves, jusqu'à une banc de marbre blanc en bordure du lac. Elle y restait toute la nuit à méditer sous les étoiles. Mais les jours de pluie, l'eau venait recouvrir le banc de marbre, et elle ne pouvait pas y aller. Un page lui suggéra alors d'ouvrir une faille dans le rocher qui constituait un barrage naturel retenant les eaux du lac, ce qu'elle fit. Mais alors le barrage entier s'écroula, emportant la Dame blanche et ses ouvriers. On dit qu'aujourd'hui, lors des belles nuits d'été, la Dame Blanche reparaît au bord du fantôme du lac...

 
Mont-des-Boules

Une légende s'attache aux ruines du Mont-des-Boules. Elle a pu, à l'origine, s'appliquer au château du Mont-Ori, puis, après la disparition de celui-ci, se réfugier, en quelque sorte, dans les vestiges du Mont-des-Boules. Laissons l'archéologue de Golbéry, dont le texte à ce sujet semble le plus ancien (1828), nous la conter naïvement :
"Une dame blanche vient parfois s'asseoir sur les débris de la tour. Une jeune fille s'en étant un jour approchée, elle la pria de revenir à une heure indiquée, en lui annonçant qu'un dragon à la gueule enflammée, au regard terrible, s'élancerait vers elle d'un air menaçant; mais, ajouta la dame blanche, il n'en faut concevoir aucune frayeur, il faut attendre, il faut prendre dans sa bouche même une clef, qui est celle d'un trésor. Après quelques hésitations, la jeune fille promit tout: elle vint en effet. De son côté, le dragon ne manqua pas de se présenter. Le feu qui sortait de son gosier, et ses cris horribles, effrayèrent tellement cette timide villageoise, qu'elle n'osa poursuivre son entreprise. Alors une voix plaintive s'écria: "Me voici donc captive pour cent ans encore". La jeune fille mourut de terreur".
Odile Gevin-Cassal, qui rapporte cette légende près d'un siècle après de Golbéry, ajoute que, une fois en possession de la clef, qui est d'or, la jeune fille devait descendre un escalier, ouvrir une porte avec la clef, s'emparer du trésor déposé au fond d'un souterrain, garder pour elle ces richesses, à l'exception d'un ciboire qu'elle irait remettre au curé. Dès la première fois que le desservant dirait la messe en utilisant ce ciboire (ou plutôt ce calice), la dame blanche serait sauvée. Pour finir, la jouvencelle n'osait affronter le dragon à la gueule de feu; elle s'enfuyait à toutes jambes, mais ne mourait cependant pas de frayeur. Enfin, précision utile pour la suite du récit, mais que ne mentionne pas de Golbéry , la tentative devait se faire le vendredi.

Dame Blanche
 
Mont-Ohri

Une légende semblable se rencontre au pays basque. Elle se situe même, curieusement, en un lieu dénommé Mont-Ohri. La voici, résumée par Sébillot, d'après l'ouvrage de Cerquand : " Légendes du pays basque".
"Un berger vit un jour dans la grotte du Mont Ohri une jeune dame se peignant avec un peigne d'or. Elle lui dit: "Si tu veux me tirer sur ton dos de cette grotte, le jour de la Saint- Jean, je te donnerai tout ce que tu désireras. Mais, quoique tu puisses voir sur ton chemin, tu ne devras pas t'effrayer". Le berger le lui promit, et le jour de la Saint- Jean, il prit la dame sur son dos et se prépara à l'enlever. Mais apercevant des bêtes de toutes sortes, un dragon qui lançait des flammes, il fut pris de peur, abandonna son fardeau et s'enfuit. La dame jeta un cri terrible et dit: "Maudit soit mon sort ! je suis condamnée à vivre encore mille ans dans cette grotte !"

Que deux légendes construites sur le même thème se trouvent en des lieux quasiment synonymes, il y a de quoi s'interroger. Ainsi, la tradition de Rougemont a-t-elle été transplantée au pays basque, ou l'inverse ? Qui le dira ? Notons, toutefois que le pays basque est placé sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, lieu de pèlerinage fréquenté jadis, depuis le IXe siècle, par une grande partie de l'Europe. Et l'on sait que pèlerins, soldats, marins, marchands, ménestrels et autres voyageurs ont largement contribué à la propagation des contes et des légendes.

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